La région de la Pointe des Ardennaises, allant de Revin à Givet en passant par les villes et villages environnants, possède un riche passé industriel marqué par des activités variées telles que la métallurgie, le textile, et l’exploitation minière. Le passé industriel de ce territoire fait partie de son identité, même si certaines de ces exploitations ne sont plus en activité, il reste toujours des traces de leur passage.
Une ville au passé industriel, Revin.
Initialement basé sur la sylviculture, Revin a connu un essor industriel au XIXe siècle grâce à l’aménagement de routes et de voies ferrées (ligne Charleville-Givet). À la veille de la Première Guerre mondiale, la commune comptait 21 usines employant environ 3 000 ouvriers. Parmi les industries notables figuraient des fonderies comme E. Hénon et des établissements tels que Martin et Faure.
Aujourd’hui, je vais vous présenter l’histoire de la famille Faure. Elle a joué un rôle important dans l’industrie locale et leur maison est aujourd’hui un site culturel, le parc Rocheteau.
Tout commence lorsque Théodore Faure, ayant fait de bonnes études, trouve un emploi dans la toute nouvelle Compagnie de Chemins de Fer Ardennais appartenant au Baron Seillière. En 1854, il s’installe à Revin et devient chef d’entreprise en créant sa 1ère usine. Il commence par fabriquer des clous. Grâce à l’arrivée du train à Revin, son entreprise est en plein essor. Il sera élu maire de la ville entre 1865 et 1876. À ce moment-là, il possède 3 usines, Saint Joseph, la Tamisiere et l’Ardennaise. Il décide de créer sa maison de famille à Revin. Celle-ci fut rachetée par la ville de Revin en 1972 et devint la Maison du parc Rocheteau.
À la fin de l’année 1936, la famille Faure inaugura la Cité jardin de Sartnizon, elle fut construite aux frais de l’entreprise avec sept îlots de lotissements mis à disposition des employés et une chapelle.
À la suite de la mort de Théodore Faure en 1891, c’est au tour de son fils Henri, de s’occuper de l’entreprise, suivi de son petit-fils Louis et de son arrière-petit-fils Bernard. La famille Faure a perduré sur 4 générations.
Le passé industriel est encore visible à travers divers éléments du patrimoine de la commune :
- Aujourd’hui, vous pouvez encore apercevoir les maisons ouvrières quand vous passez à Revin.
- La maison espagnole : Organisée sur 3 étages, cette maison vous plongera au cœur de la vie d’une famille dans les années 1920 au rez-de-chaussée. Dans une salle d’exposition du 1er étage et enfin, au dernier étage, vous serez en immersion dans le passé industriel de la ville de Revin.
- Le parc municipal de Rocheteau : propriété de la famille Faure auparavant, aujourd’hui, il offre un havre de paix avec un espace de promenade, aire de jeux pour enfant, et bien d’autres…
- D’autres usines sont encore en marche aujourd’hui à Revin.


Maintenant, parlons d’une des plus importantes exploitations des Ardennes.
Un passé ardoisier.
La cité de l’ardoise : Fumay
Fumay a longtemps été l’un des cœurs battants de l’exploitation ardoisière dans les Ardennes. Son sous-sol schisteux, typique du massif ardennais, a permis le développement d’une activité minière intense dès le Moyen Âge. À partir du XVe siècle, l’arrivée de négociants venus de Dinant, Namur ou Liège favorise la structuration du commerce de l’ardoise et contribue à la prospérité de la ville.
L’extraction s’effectuait dans des conditions particulièrement difficiles : les ouvriers, appelés “scailleteux”, travaillaient dans des galeries inondées, uniquement éclairées à la chandelle. Malgré cela, l’industrie ardoisière connaît son âge d’or aux XIXe et début XXe siècles. L’ardoisière Sainte-Anne, la plus vaste de Fumay, produit alors jusqu’à 45 millions d’ardoises par an.
Mais à partir de la fin du XVIIIe siècle, l’activité commence à décliner. Les petites carrières ferment, puis la Première Guerre mondiale interrompt totalement la production. Une timide reprise a lieu après 1945, mais elle ne suffit pas à enrayer le déclin. Dans les années 1960, les sites restants sont regroupés, retardant une fermeture inévitable. L’extraction s’arrête définitivement en 1971, marquant la fin d’une époque industrielle qui a façonné l’identité de la ville.
De nos jours, plusieurs sites et monuments nous rappellent l’importance de l’ardoise à Fumay. Voici ceux que vous pourrez voir et visiter lors de votre visite en Val d’Ardenne.
- La place des Rochettes : En plein centre de la ville, ne manquez pas l’entrée d’une ardoisière, un banc en ardoise, ainsi que des escaliers et des marches taillées dans le schiste. Actuellement, l’entrée d’ardoisière est fermée par une grille car les galeries sont noyées.
- L’Église Saint-Georges : L’église datant du XIXème siècle, plus précisément de 1876, domine la ville de Fumay. Du fait de sa grandeur, l’édifice semble dominer la ville en contrebas.
- La chapelle Saint-Roch : Cette chapelle se trouvant à l’extrémité de la place du Baty, fut construite pendant le XVIIème siècle et possède sa propre histoire. En outre, il existe d’autres représentations de Chapelle en l’honneur de Saint-Roch dans de nombreuses autres villes et villages du territoire du Val d’Ardenne.
- La fresque des scailleteux : Afin de rendre hommage aux ouvriers, la ville de Fumay a demandé à l’artiste G. A Favaudon de faire une fresque en ardoise et en béton. Celle-ci se situe dans le centre de Fumay, rue Jean Jaurès.
- Le musée de l’ardoise : Découvrez le métier d’ardoisier… Cet ancien couvent des Carmélites à été réhabilité en musée afin de vous faire découvrir le quotidien des ardoisiers. Plongez sous terre grâce à un ascenseur afin de vivre la journée d’un ardoisier avec une reconstitution des scènes : une cuisine, le travail du fond et de la surface et découvrez à l’étage l’histoire de la ville et des ardoisiers
- Le parc TerrAltitude : Ce parc a été créé sur le site d’une ancienne ardoisière, celle de Saint-Joseph. Il propose une large gamme d’activités comme du paintball, de l’accrobranche…
La ville de Fumay a gardé son apparence du XIXème siècle, les maisons typiques de Fumay nous évoquent le passé ardoisier à chaque coin de rue.



Un trésor ardoisier : Haybes
Tout comme sa voisine Fumay, Haybes a été marquée en profondeur par l’exploitation de l’ardoise. Dès le XVIe siècle, la commune devient l’un des centres les plus dynamiques du territoire en matière de production. À son apogée, on y recense près de cinquante sites d’extraction. Parmi les plus emblématiques figurent les ardoisières de Fond d’Oury, Belle Rose, Saint-Antoine ou encore l’Espérance.
C’est d’ailleurs cette dernière, fondée en 1839, qui symbolise le mieux le rayonnement industriel de Haybes. Elle emploiera jusqu’à 400 ouvriers et sa production s’exporte largement : en 1913, 45 % des ardoises produites étaient destinées au marché français, 20 % à la Belgique et le reste à d’autres pays européens. En 1894, la commune atteint un record avec 28 millions d’ardoises produites.
Cependant, comme dans d’autres bassins industriels, la crise économique de 1929 marque un tournant. Les fermetures s’enchaînent entre 1932 et 1953. L’ardoisière de la Nouvelle Espérance, pourtant fleuron de la commune, cesse son activité définitivement.
Aujourd’hui encore, le passé ardoisier de Haybes reste visible. De nombreux vestiges sont encore présents :
- L’Église Saint-Pierre-Saint-Paul : cette église a été reconstruite après la Première guerre mondiale, seulement son clocher est coiffé d’ardoise. Le reste de l’église a été reconstruit avec d’autres types de pierres, comme la pierre bleue de Givet et la pierre de Lérouville.
- Le quartier de l’Espérance : Rue de l’Espérance se trouve des vestiges de l’ancienne ardoisière “La Nouvelle Espérance”, ardoisière la plus importante de la commune. Elle possédait une galerie de 820 mètres avec des ouvrages de chaque côté. Des bâtiments sont encore visibles, comme la salle des fêtes, un cinéma, une infirmerie et la chapelle Saint-Pierre.
- Lors de votre visite à Haybes, regardez partout autour de vous car les toits, les façades, les dallages et les démarcations de terrains, tous ont été faits avec de l’ardoise.
Si vous voulez observer l’évolution des ardoisières et découvrir tout le patrimoine ardoisier actuel, allez lire notre article nommé “L’histoire de l’ardoise de Fumay et de Haybes”.


L’industrie métallurgique
Dans le village de Vireux-Molhain
Au XIXème siècle, le village de Vireux-Molhain se transforme avec l’essor de l’exploitation du charbon et de la métallurgie, elle attire une importante population ouvrière, la commune devient alors un centre industriel majeur. Edmond Gonthier demande l’autorisation d’installer une usine à fer en 1856. Celle-ci sera nommée au départ Wilmot, Mineur, Gonthier puis plus tard Mineur frères et Wilmot suite au départ de Gonthier en 1858. Elle évolue rapidement avec la construction de 6 fours, deux fours à réchauffer et des laminoirs. Devenue la S.A des Forges de Vireux-Molhain, l’usine atteint son apogée en 1914, produisant chaque année jusqu’à 120 000 tonnes d’acier et employant près de 1 000 personnes.
La Première Guerre mondiale détruit l’outil de production de l’usine, mais elle redémarre en 1920, intégrant ensuite de grands groupes industriels, tels que Usinor et la S.A des Hauts Fourneaux de la Chiers. En 1984, la crise du secteur automobile provoque sa fermeture et plus tard la démolition de nombreux bâtiments.
En 1982, l’annonce de la fermeture provoque un mouvement social dans la région, marqué par des actions spectaculaires et une forte mobilisation des syndicats, des élus et de la population. Cependant, c’est un échec, l’usine n’est pas sauvée mais une compensation sociale est obtenue pour les salariés, comprenant maintien du salaire, avantages sociaux, formation, aide à la création d’entreprise et reclassement. Ce conflit reste une étape marquante de l’histoire industrielle et sociale du village.
Aujourd’hui, certains vestiges sont encore occupés par plusieurs entreprises.
À Aubrives
Dès 1858, Aubrives devient un centre industriel majeur avec la création de la Société Anonyme Métallurgique d’Aubrives et Villerupt, spécialisée dans la production de fonte et d’acier grâce à ses hauts fourneaux.
Pendant la Première Guerre mondiale, l’usine est occupée par les Allemands, mais elle reste tout de même au centre de l’économie locale. En 1915, le village fut rattaché avec celui de Fumay à la Belgique. Ce qui permet à la commune de bénéficier d’un ravitaillement américain et du commerce avec le sud de la Belgique.
Cependant en 1916, la situation se complique lorsque le directeur et maire du village, Edmond Bertin, refuse de remettre l’usine en marche pour l’ennemi. Ce refus entraîne son arrestation et celle de son adjoint Masson. Ils furent emprisonnés pendant trois mois dans la forteresse de Namur.
En 1917, Aubrives doit également accueillir 300 évacués venus de régions sinistrées. Dans tout ce chaos, une bonne chose ressort, l’occupant n’a pas eu le temps de détruire l’usine. C’est à la fin du conflit en 1918 que l’usine retrouve une certaine stabilité avec le retour des troupes françaises en novembre. En 1919, l’abbé Paubon, impliqué dans le réseau de renseignements La Dame blanche, est nommé curé de la paroisse, marquant le retour à la vie civile.
Après la guerre, la vie reprend peu à peu son cours. En 1919, l’abbé Paubon, ancien desservant de Fépin et membre du réseau de renseignements de la Dame blanche, est nommé curé de la paroisse.
Ainsi, l’histoire d’Aubrives au début du XXe siècle est marquée par la force de son industrie métallurgique et la résilience de ses habitants face à l’occupation.
Le passé industriel de Givet.
Le textile : de la soie artificielle à la viscose
Au XXème siècle, plus précisément en 1902, Givet devient aussi un centre important de l’industrie, celui du textile avec l’implantation d’une usine de soie artificielle. Elle deviendra l’usine Cellatex, et elle s’inscrit dans le mouvement d’innovation du secteur textile, marqué par la recherche de substituts à la soie naturelle. Après avoir adopté différents procédés, l’usine se spécialise dans la fabrication de viscose, une fibre synthétique issue de la cellulose du bois. Avant la Première Guerre mondiale, l’activité connaît une expansion rapide, elle compte près de 800 salariés.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’usine s’adapte aux évolutions du marché, mais doit faire face à la concurrence des fibres synthétiques comme le nylon et le tergal. Malgré plusieurs restructurations et changements de propriétaires, l’activité se décline peu à peu. En 2000, la fermeture de Cellatex marque la fin de l’activité industrielle à Givet.
La fabrication de pipe : une tradition céramique réputée
Au XIXème siècle, Givet se distingue par la qualité de ses têtes de pipe de terre cuite et de ses pipes. De nombreux fabricants font connaître la ville au-delà du département, notamment la célèbre Maison Gambier. Fondée en 1780, à son apogée, elle emploie près de 600 ouvriers. De plus, ses pipes sont exportées dans le monde entier.
Les pipes de Givet, reconnaissables à leur finesse et à la diversité de leurs formes, deviennent des objets prisés des fumeurs et des collectionneurs.
Chooz, l’industrie nucléaire.
Pour en savoir plus sur l’industrie nucléaire de la centrale de Chooz, allez lire notre article sorti la semaine dernière. “Chooz : découvrez la centrale nucléaire”.
Bien que le passé industriel de la région ait connu des hauts et des bas, il a laissé une marque indélébile sur son identité et son patrimoine.
Alors, n’hésitez plus, venez explorer les vestiges industriels de la Pointe des Ardennes !
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