Fondée à la fin du XVIIIe siècle à Givet, dans les Ardennes, la Maison Gambier s’est autoproclamé la plus grande fabrique de pipes au monde. Si cette affirmation a pu être vraie pendant plusieurs décennies pour les pipes en terre, l’entreprise a dû faire face aux contrefaçons, à l’émergence de la pipe en bois et, finalement, à la popularisation de la cigarette. Aujourd’hui, je vous partage l’histoire des pipes Gambier. 

1. Histoire de la Maison Gambier

L’aventure commence en 1780 lorsque Jean Gambier, originaire de Dieppe, s’installe à Givet et crée sa petite entreprise de pipes au pied du Mont d’Haurs. Son fils prend les rênes en 1817, introduisant les premières pipes à fourneaux figuratifs. En 1835, Minervin Hasslauer rachète l’atelier, insufflant un nouvel élan. L’expansion se poursuit avec l’ouverture de bureaux de vente à Paris en 1846 et un premier catalogue publié en 1848. La Maison Gambier décroche une médaille d’or à l’Exposition nationale de 1849 à Paris. Un bureau londonien ouvre en 1860 (ferme en 1896), et l’usine mitoyenne du concurrent Blanc Garin est rachetée en 1867, consolidant l’expansion. En 1868, l’entreprise emploie 600 ouvriers à Givet, et ses pipes sont alors les plus répandues en France.

La guerre franco-allemande de 1870 interrompt temporairement la production. Durant la Troisième République, la concurrence s’intensifie, certains copiant les modèles Gambier tandis que d’autres promeuvent de nouveaux produits comme la pipe en bois. L’essor de la cigarette et des petits cigares contribue également au déclin. L’effectif de la Maison Gambier diminue : 550 ouvriers en 1875, 410 en 1880, et seulement 216 en 1900.

Le 4 mars 1908, après le décès de la veuve Hasslauer, la société est dissoute et reconstituée en société anonyme. Cependant, la réduction des effectifs se poursuit, avec seulement 102 ouvriers en 1909.

La Première Guerre mondiale stoppe la production, les Ardennes étant occupées jusqu’à la fin du conflit, les ateliers de Givet étant transformés en hôpital de campagne par les Allemands. L’activité reprend au début des années 1920, mais avec une quarantaine d’ouvriers en 1923. La fermeture définitive de l’activité de fabrication de pipes et la liquidation de la société ont lieu en 1928.

Entre 1850 et 1926, la production totale est estimée à deux milliards de pipes.

2. Les modèles emblématiques : la pipe Jacob et autres créations

Plus de 1600 modèles de pipes ont été créés, tels que des têtes, des monstres, des sorcières, des animaux, des figures historiques ou politiques, et divers thèmes comme les arts, la vie quotidienne, l’armée, les faits divers, le théâtre, les races, le corps humain et la flore. Ces pipes étaient fabriquées à partir d’un mélange d’argiles qui blanchissait à la cuisson. Une fois sorties des moules, elles pouvaient être peintes et émaillées. 

Le modèle le plus populaire de la Maison Gambier est la pipe “Jacob”. L’hypothèse la plus courante de son origine est qu’elle représente un personnage biblique. Jacob, fils cadet d’Isaac et Rebecca, est connu pour sa ruse, ayant obtenu le droit d’aînesse de son frère jumeau contre un plat de lentilles. Souvent, un bandeau sur son turban proclame “je suis Jacob” ou une variante, en référence à sa réputation de fin politique ayant accédé au pouvoir par la ruse.

Arthur Rimbaud et Paul Verlaine ont eux-mêmes des pipes dans leurs œuvres. 

Si vous trouvez une pipe de la Maison Gambier, il est possible de savoir s’il s’agit d’une vraie. Une marque JG sera présente sur le talon des modèles traditionnels et sur les douilles des têtes de pipe ou sous le fourneau. Elle est présente sur les plus anciennes pipes Gambier connues. Le JG fait référence à son fondateur Jean Gambier et plus tard à son fils Joseph Gambier

Aujourd’hui, vous pouvez découvrir les pipes de la Maison Gambier au centre culturel “Pierre Tassin”. Des expositions temporaires et permanentes y sont organisées. 

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